22.08
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12.09.19
Pierre
Vadi
Lemme







« Dans ses premiers écrits, Thoreau qualifia l’alphabet du plus triste des chants. Plus tard dans sa vie, il renoncerait à cette opinion et dirait qu’il produit seulement une musique dissonante.
Les lettres, disait Montaigne, sont un mal nécessaire.
Le sont-elles vraiment ? demanda Blake des années plus tard. J’écrirai sur le monde sans elles.
Je ferais bien pousser de la moisissure sur le langage, dit Pasteur. Sauf que rien ne peut pousser sur cette surface morte et froide.
Des mots, Thérèse d’Avila dit : je n’ai pas vécu assez longtemps pour les effacer tous.
Ils me rendent malade, dit Luther. Les vôtres, les vôtres, les vôtres. Parfois même les miens.
Si cela peut être dit, ça ne m’intéresse pas, écrivit Schopenhauer.
Quand on l’eut sommé de s’expliquer, un criminel à la Cour d’Arthur désigna seulement un grand alphabet brodé qui était accroché au-dessus du roi.
Les poètes ont besoin d’un nouvel instrument, dit Shelley.
Si je pouvais retrancher quelque chose du monde, dit Nietzsche, et retrancher jusqu’au souvenir de cette chose, de sorte que le monde progresse toujours plus avant sans qu’il soit même possible que cette chose existe à nouveau, ce serait le langage qui pourrit à l’intérieur de ma bouche.
Je suis un écrivain, dit Picasso. J’invente mes propres lettres.
Puis-je détruire cela maintenant, ou dois-je attendre que tu aies quitté la pièce, dit son protecteur à Cadmos, le prétendu inventeur de l’alphabet.
Cadmos est un imposteur, dit Wheaton. Dit Nestor. Dit William James.
Ne lisez pas ceci, prévint Plutarque.
Ne lisez pas ceci, prévint Cicéron.
Ne lisez pas ceci, supplia Ovide.
Si vous tenez à la vie.
Saignez un homme, et avec cette infâme humeur écrivez son nom dans le sable, prescrivit Hippocrate.
Pas d’alphabet hors des choses dit Williams.
Correction. Pas d’alphabet du tout. »
Ben Marcus
Mon travail expose l’écart entre la matérialité de l’art, certains sols et le langage.
Pierre Vadi